Lors de mes expériences en tant que DSI, puis lors de mes missions de DSI de transition, la question du choix entre un ERP généraliste et des solutions Best of Breed (BoB) a souvent fait l’objet de discussions animées au sein des CODIR auxquels j’ai participé.
Ce choix n’est jamais anodin : il révèle bien plus qu’une simple préférence technologique, touchant à la fois l’organisation, les métiers et la vision stratégique de l’entreprise.
Par exemple, dans un projet d’envergure pour une entreprise de logistique globale, le choix d’un ERP unifié (SAP) a permis de centraliser les données et d’améliorer le contrôle de gestion, mais a soulevé des défis concernant l’adéquation avec les besoins des métiers opérationnels.
Voici un témoignage tiré de mes expériences pour éclairer ce débat.
1. Contexte historique : Une évolution des paradigmes technologiques
Années 2000 : L’âge d’or des ERP mondiaux
- 🏛️ Les ERP étaient perçus comme des solutions miracles, apportant une standardisation indispensable des processus.
- 🌍 Ces systèmes, centrés autour des modules financiers, structuraient les processus de bout en bout.
- 🔗 Toutefois, ces choix centralisés s’accompagnaient souvent d’une frustration des métiers, par exemple dans la supply chain ou bien les usines, où les besoins étaient bien spécifiques.
Années 2010 : Montée des architectures ouvertes
- ⚙️ Avec l’émergence de standards ouverts, tout a évolué. Lors d’un projet pour un groupe de nutrition animale, nous avions opté pour une combinaison de solutions Best of Breed pour la gestion des achats matières premières (Radar Opera, Libra) et des ERP pour la comptabilité (Sap).
- 🔄 Cette approche a permis de répondre aux spécificités de l’entreprise en offrant une meilleure gestion des flux d’approvisionnement tout en assurant une cohérence globale au niveau financier.
- 🧩 Une flexibilité que les ERP traditionnels n’offraient pas à l’époque. Mais cela a également introduit des défis d’interopérabilité que nous avons dû relever avec des équipes renforcées.
Culture régionale et spécificité française
- En France, la richesse des éditeurs locaux est une bénédiction autant qu’une complexité.
- 📊 J’ai collaboré avec de très nombreux éditeurs français ou européens, spécialisés dans l’agroalimentaire, la gestion de PME à l’international ou l’amont agricole, et leur expertise dépassait largement les modules standards des ERP internationaux.
- 🔧 Cependant, leur intégration dans un SI global représentait un défi important.
2. L’équilibre entre intégration et spécialisation
Dans mon expérience, ce dilemme s’est souvent cristallisé autour de discussions avec les directeurs métiers et financiers. Chaque partie avait ses priorités, et mon rôle était d’assurer un arbitrage équilibré.
Critères à évaluer :
- Richesse fonctionnelle :
- 🎯 Lors d’un projet ERP dans la distribution spécialisée, les directeurs de sites souhaitaient des outils très pointus pour la gestion des magasins locaux.
- 🛒 Une solution Best of Breed (Aurea) a répondu à leurs attentes, mais a introduit une complexité dans la consolidation au niveau central.
- Interopérabilité :
- 🔌 Dans un groupe agroalimentaire, la capacité à faire dialoguer des systèmes Best of Breed (Radar, Generix, Reflex) avec le core ERP (Qualiac) a nécessité des investissements conséquents.
- 🛠️ La mise en place de middleware (Mule, Talend) adapté a été un facteur clé de succès.
- Expérience utilisateur :
- 👩💻 J’ai vu des utilisateurs jongler entre plusieurs interfaces Best of Breed (Web et clients riches), ce qui nuirait à leur productivité sans une formation adéquate.
- 🤝 Cela m’a appris que l’accompagnement humain est aussi important que le choix technique.
- Coûts totaux (TCO) :
- 💸 Lors de l’intégration d’une nouvelle filiale, les coûts d’interopérabilité se sont avérés supérieurs à ceux initialement prévus pour un ERP.
- 🔍 Cette leçon m’a enseigné l’importance de scénarios budgétaires réalistes.
Avantages des solutions Best of Breed :
- 🧠 Moins d’adaptations et de paramétrages, notamment dans des environnements très spécialisés comme les laboratoires d’analyse (Lims) ou les entrepôts frigorifiques (Reflex) où j’ai travaillé.
- 🚀 Projets souvent plus courts (3 mois plus courts) et avec un ROI plus rapide, ce qui a séduit plusieurs CODIR sous pression des délais.
- 📈 Une meilleure couverture fonctionnelle sur des besoins métiers spécifiques, plébiscitée par les équipes terrain.
Inconvénients des solutions Best of Breed :
- 🌐 Référentiel de données hétérogène, comme dans un projet où chaque filiale utilisait des normes différentes pour les clients et les fournisseurs.
- 🏗️ Multiplicité de plateformes techniques à maintenir, augmentant les coûts d’opération et de supervision (ce que ne voient pas tout de suite les directions utilisateurs).
- 🤯 Complexité accrue pour les utilisateurs, qui doivent jongler entre plusieurs systèmes au quotidien (perte de productivité).
Avantages des ERP généralistes :
- 🗂️ Intégration homogène des données, idéale pour du pilotage opérationnel consolidé.
- 🛠️ Simplification du contrôle de gestion et des processus de bout en bout. J’ai pu le constater dans un réseau de magasins où le stock de plus de 230 magasins était unifié.
- 🔄 Processus souvent « sans couture », un atout majeur pour des structures homogènes.
Inconvénients des ERP généralistes :
- ⏳ Projets plus longs et coûteux (3 à 6 mois de plus). Lors d’un déploiement SAP dans une coopérative, les délais se sont étendus bien au-delà des prévisions initiales.
- ⚙️ Nécessité de spécifiques pour couvrir certains besoins métiers, augmentant les risques de dérapage.
- 🙁 Moindre alignement sur des besoins pointus, frustrant parfois les utilisateurs finaux.
3. Facteurs stratégiques à considérer
Interopérabilité :
Lors d’un projet international, nous avons dû construire un véritable écosystème d’interfaces entre l’ERP (M3) et des Best of Breed régionaux (Navision, Reflex, StarLims). Ce travail a présenté des défis majeurs, notamment la synchronisation des modèles de données et la gestion des différences de protocoles techniques entre les systèmes. Nous avons résolu ces problèmes en investissant dans une plateforme middleware (Mule, BO) adaptative et en mettant en place une équipe d’experts pour assurer un suivi continu et des tests rigoureux, ce qui a permis d’assurer une communication fluide entre les outils. Ce choix a nécessité un schéma directeur technologique clair et une gouvernance renforcée.
Compétences mutualisées :
Un ERP facilite la standardisation des processus, mais j’ai souvent constaté qu’une solution Best of Breed, bien intégrée, peut renforcer les compétences locales tout en répondant mieux aux spécificités métiers.
Flexibilité organisationnelle :
Dans des projets de fusion, la modularité et souplesse des solutions Best of Breed a souvent simplifié l’intégration rapide de nouvelles entités.
4. Mes recommandations de DSI pour le CODIR
- Analyser la stratégie organisationnelle : Lors d’une mission dans un groupe agroalimentaire, le choix d’un ERP unique a permis de fédérer les équipes, mais aurait été contre-productif dans un contexte plus décentralisé.
- Mener une étude approfondie du TCO : Intégrer tous les coûts cachés, y compris la formation et la maintenance, est crucial.
- Définir un schéma directeur technologique : Un projet ERP ou Best of Breed ne peut réussir sans une vision long terme.
- Inclure les métiers dans la gouvernance : Leur implication dès le début d’un projet ERP ou Best of Breed garantit l’adéquation des choix techniques à leurs besoins.
Conclusion :
Le choix entre un ERP et des solutions Best of Breed n’est jamais trivial. Pour guider ce choix, il est essentiel d’évaluer des critères clés tels que la richesse fonctionnelle, les coûts d’interopérabilité, l’expérience utilisateur et les contraintes de temps. Une analyse approfondie de ces facteurs permet de faire un arbitrage aligné avec la stratégie globale de l’entreprise.
Dans ma carrière, chaque décision a été le fruit de discussions approfondies et de compromis. Mon rôle en tant que DSI a toujours été d’arbitrer en gardant en tête l’intérêt global de l’organisation, tout en respectant les attentes des métiers.
C’est cette expérience que je partage avec vous aujourd’hui.
Un point clé est la partie ressources humaines : plus on a de systèmes, plus on doit avoir de compétences en interne, ou/et des partenaires pour assurer le support et l’évolution des systèmes.
Un autre point est l’intégration lorsque les ERPs migrent vers le Cloud, ce qui est de plus en plus le cas : maintenance des interfaces, analyse de la sécurité
Merci Christophe pour ton commentaire.
Nous verrons que d’autres critères importent. Mais ceci fera l’objet d’autres articles 🙂